vendredi 7 décembre 2012

Death Day de Sam Hiti


Je suis tombé sur une bd drolement chouette l' autre jour .
Death Day de Sam Hiti
C' est lisible gratos sur le net (on peut aussi acheter des versions papiers et même un pdf à 2dollars)
par ici : http://www.samhiti.com/wordpress/

Alors c' est de la SF .
Ca se passe sur une planète un peu  abitée par des humains mais surtout tres vide .
L' intro en flashback nous montre qu' il y a eu une guerre entre les humains et des bestioles à 4 bras, controllées par "l' orbe"





Tout a peté, et depuis, la guerre est finie .
On suit ensuite, quelques années plus tard, une troupe de militaires qui vont être embarqués par leur nouveau chef dans une mission secrete : retrouver "l' orbe" .

J' en dis pas plus sur l' histoire, mais elle contient évidemment son lot de rebondissements, et est plutôt bien construite .
Les personnages sont bien cools, le chef de l' équipe est un gros dur completement taré .




Le dessin est vraiment bon, ça m' a fait penser aux naufragés du temps dans le sens où on peut contempler quelques paysages futuristes assez extraordinaires .







Les naufragés du temps (avec JC Forest au scénar et Paul Gillon au dessin) pour la comparaison :






Le seul petit bémole c' est que j' ai parfois eu du mal à suivre l' histoire, peut-être parce que c' était en anglais, que le dessin est quand même tres fournit et un peu bordélique et aussi parce que l' auteur nous a exposé des persos aux designs tres semblables (et tous dans le même uniforme militaire) . Si vous lisez, faites juste gaffe aux chiffres notés sur les casques, ça permet de savoir qui est qui (j' ai compris ça un peu tardivement)
Et y a un petit oubli sur le site, quand on finit la partie 3, ça propose pas la partie 4 . Mais on peut y acceder depuis la page des chapitres .

Hâte de lire la suite de cette histoire en tout cas :)


En parlant de bd sur le net, faudrait que je parle de Bodyworld un jour aussi, pour le coup ça fait vraiment partie de mes bd preferées, une histoire completement barré de Dash Shaw (plus connu pour the botomlesse belly button qui est tres cool aussi, mais je prefere Bodyworld)
Je reserve ça pour plus tard .



dimanche 25 novembre 2012

Jonny Negron

Bon je sais pas grand chose de ce type si ce n' est qu' il est américain .

Jonny Negron :
http://jonnynegron.tumblr.com/















Et quelques pages d' une bd faite à 4 mains avec un autre dessineux Jesse Balmer .







mercredi 21 novembre 2012

autobiographies : Chester Brown Lionel Shriver Joe Matt






Petite news un peu plus passagère que les autres .
Faudrait que je parle un peu plus des coups de coeurs de manière assez simple, sans faire d' analyses ni rien (ce qui me prend quand même un putain de temps, même si ça m' est tres instructif)

J' ai relu "je ne t' ai jamais aimé" de Chester Brown .
Depuis le temps j' avais presque oublié l' histoire .

C' est une autobio qui raconte un passage de la vie de l' auteur . Durant sa jeunesse, au Canada,

La première fois que je l' avais lu, j' avais jamais essayé de faire un vrai scénar, en mettant un peu de moi et de ce que j' observais .
Je l' ai donc relu avec un autre regard . Et pendant la lecture j' ai pas arrêté de me dire, mais putain ces bollocks qu' il a . Comment il a pu écrire des trucs aussi personnels et douloureux .

Comment ce trou du cul a-t-il pu se montrer en tel trou du cul ?!
Son attitude de sociofreaks et son egoisme par rapport aux meufs .
Et surtout son rapport avec sa mère qui a clairement des problemes de santé mentale . Et lui qui s' en écarte, qui préfère être froid et distant . Jusqu' à sa mort où il n' arrive pas à lui dire qu' il l' aime, sachant que sa changerait peut-être tout pour sa mère, d' entendre ses mots .



Je l' accuse pas du tout hein . Je me retrouve même dans pas mal de comportements . On est tous des connards apres tout .
Mais je me demande vraiment comment il a  pu trouver la force de sortir ce genres d' histoires super intimes, où il se retrouve obligé de presenter des amis d' enfances, et même sa mère morte, sous des aspects misérables . Et surtout lui, comment il assume à ce point tous ses défauts .



Ca me fait penser à 2 choses .

D' abord une vidéo d' une scénariste (Lionel Shriver) que j' ai vu hier .






romanciere assez connue apparemment, mais je n' ai encore rien vu ni lu d' elle (ça ne saurait tarder avec "we need to talk about kevin")

Meme si je la connais pas, j' ai trouvé l' interview ultra pertinente, du début à la fin (c est un peu chiant c est en anglais) .
Le lien avec Chester Brown, c' est cette relation à l' autobiographie .


Concrètement, je pense qu' on peut séparer 2 types opposées d' histoires (avec toutes les nuances possibles entre les 2) :

- les histoires autobiographiques et biographiques (je veux dire par là qu' on s' inspire pas que de sa personne mais aussi des personnes qu' on connaît irl)
- les histoires qui se basent sur des modèles classiques de personnages
Ca c' est des extremes . Mais évidemment, la plupart des histoires sont un mélange des 2 .

Et je pense que plus on s' approche du côté autobiographie, plus on en chie . Pour plein de raisons .
Cette approche pour construire des personnages, pousse à chercher dans 2 directions : Chercher en soi . Et chercher dans les autres .

Chercher en soi est douloureux parcequ' on doit affronter des questions persos qu' on prefere eviter d' habitude, et qu' on doit se remémorer et décortiquer, des souvenirs qu' on prefererait oublier .

Chercher dans les autres n' est pas si douloureux en soit . Mais c' est le fait de l' exposer qui est difficile .
Quand on se décrit en connard, ça va . Mais quand on décrit les autres en connard, on devient soit même un enculé . (particulièrement pour les proches)

D' où la difficulté dont je parlais pour Chester Brown . comment il a réussi à chier sur tous ces potes, sur sa mère morte, et sur lui-même, comme ça ?
Là où je suis rassuré, c' est que Lionel Shriver dit dans l' interview, lorsqu' on lui demande comment elle créer ses persos, qu' elle est devenue lasse de sa propre personne comme sujet d' étude . et qu' elle est contente dans un sens, car c' est comme une sorte de réussite personnel, que d' arriver à s' être lassé de soi-même .
Ce que je comprend tout à fait . C' est comme si on avait enfin réussit à comprendre admettre ses défauts, ses agissements stupides .

Vers 21:30, on demande à Lionel Shriver si elle regrette pas d' avoir écrit un bouquin qui a créer une séparation de la famille .
C' est là qu' on a plein d' explications tres interessantes, et qui vont de paire avec le sujet de ce post .

- Les gens aiment bien être flattés et trouvent ça normal, mais il prenne tres gravement la moindre critique
(on peut faire des pages et des pages d' éloges sur une personne, des tonnes de commentaires sur ce qu' une personne aime bien d' elle, ça passera bien, mais si on fait la moindre ligne, qui toucher un nerf sensible, qui parle de ce qu' une personne ne veut pas savoir d' elle même, alors c' est tout de suite un insulte nucléaire)
- L' idée que la qualité même de son bouquin, venait d' une souffrance nécessaire . ("c' est le prix qu' elle a accepté de payer")


Voilà, et je pensais aussi à Joe Matt et sa bd autobiograpihque "Pauvre Type" , où il se présente en effet comme un pauvre type .





Mais il y a pour moi une difference essentielle entre la bd de Joe Matt et celle de Chester Brown, c' est que Joe Matt a versé dans la dérision et l' humour tandis que Chester Brown a versé dans le serieux .
une approche consiste à se dévoiler en disant "c' est grave" et l' autre consiste à se dévoiler en disant "c' est drole"


Ceci dit, Joe Matt en prend quand même plein la gueule .
Voici une interview de la meuf sur laquelle il fantasme dans cette bd (une amie de sa copine) :
http://www.snubdom.com/BA-01-07.htm

C' est con mais pour moi c' est beaucoup plus facile de tout montrer sous le sens de l' humour , parce que tout le monde le prend assez bien .
Et ça vaut pour les histoires non autobiographies et tres peu inspirées de vécu, aussi .
La plupart des histoire comiques sont des histoires horribles, si on prend juste les faits objectifs . Mais la façon dont on nous le montre est une façon de de prendre la chose de façon détendue .
De même à la télé, on voit des émissions où les participants sont humiliés, on nous montre ça de façon moqueuse et marrante donc ça va . mais qu' en serait-il si on nous montrait ça à base de musique au violon et cadrages tragiques ?



Bon en dehors de ce détail, il y a plein d' autres trucs à dire je pense sur "je ne t' ai jamais aimé" .
Déjà, toute la narration, se passe dans le non dit, à l' image même de l' auteur qui est ce personnage toujours silencieux, caché derrière ses lunettes, et souvent incapable de dire ce qu' il aimerait dire .
Cet aspect, en plus du découpage simple et du trait épuré et volontairement maladroit, ça donne un récit assez minimaliste en fait .

Faudrait ptet un jour que j'essaie de faire dans la bd minimale comme ça . C' est vraiment une façon de faire totallement differente et qui peut tout de même marcher de façon redoutable .
Je veux dire que je me fais chier dans ma bd, à faire des putains de mise en scènes, de cadrages, et de rythme, des trucs super retravaillés pour obtenir la formule qui va être efficace et bien retranscrire une action, un sentiment . Alors que dans ce genre de bd, pas de cadrage de ouf, pas de rytme compliqué, ni de dialogue . Et pourtant des sentiments tres bien retranscrits, je trouve .



Bon je m' arrête là . Je voulais parler d' un manga "les enfants de la mer" chez sarbacane, mais ça commence à faire long .
Juste en speed : c' est un tres chouette manga, l'histoire est bien mais pas renversante non plus .
Mais les thèmes du récit, les dessins, les pauses rêveuses, nous plongent dans une atmosphère tres agréable .
Ca se passe au japon, pres de la mer . Une histoire semi fantastique, legerement nature-ecologie-mysteres de la vie aquatique .
Et franchement parfois, on ressent vraiment bien ces paysages énormes, les fonds marins, la pluie dense, etc.






PS : ah putain j ai pas parlé de journal de Fabrice Neaud, pourtant j ai chopé le T1 récemment, et c' est aussi dans l' autobio . A la difference pres que le type se montre moins en connard . Il se dévoile plus dans les sentiments qu' il porte aux autres . Toujours est-il que c' est vraiment tres tres bon .

mardi 30 octobre 2012

analyses de Twin Peaks et Daria

Bon je vais essayer de pas m' attarder sur ce post ...


Au programme, Twin Peaks :
- le contraste entre le jeu d' acteur et la mise en scène . Ou comment changer le sens d' une scène par sa mise en scène .
- comment faire une scène qui déchire avec un regard de rockeur et une gratte

Puis Daria :
- exemple de l' ironie dramatique



Donc en ce moment, je regarde Twin Peaks, qui est une série énorme . vraiment, quand on resitue la série à l' époque je me dis que c' est un truc de taré . Parcequ' autant X Files je suis méga fan, mais ça reste assez inégal . Autant Twin Peaks c' est de la bombe qui garde sa fraicheur aujourd hui tellement c est innovant .

Enfin quand je vois X Files, ça tue aussi, ok . Mais les mécanismes ont influencés toutes les autres séries et ont été bien repris je pense . Ne serait ce qu' avec Vince Gilligan qui a tout appris sur cette série pour ensuite faire Breaking Bad .

Entre parenthèse, voici un lien vers une masterclass doublée en francais de Vince Gilligan (y a aussi Matthew Weiner de Mad Men sur la chaine dailymotion) : http://www.dailymotion.com/video/xibvw6_rencontre-exceptionnelle-avec-vince-gilligan-createur-de-breaking-bad_shortfilms
Et un lien vers une interview interessante de Matthew Wainer, Vince Giligan, et un autre connu : http://www.gq.com/entertainment/movies-and-tv/201206/roundtable-discussion-matthew-weiner-vince-gilligan-david-milch

Pour Twin Peaks je pense que c' est différent . Je retrouve pas l' univers et les mécanismes de cette série, dans toutes les autres qui ont suivies . Peut-être parceque les gens ont pas vu ce qu' il y avait a tirer de cette série ou peut-être parcequ' ils ont pas réussi à se les approprier . Peut-être aussi parceque c' est super tendu de se la jouer twin peaks dans une série télévisée grand public (donc un minimum de confort et de bienséance) .
Probablement un peu de tout ça .

Et déjà, t' as la touche David Lynch . Le côté barjo paranoïaque, le côté americain fantasmé rockabilo-cabaret-chevrolet-red neck je sais pas quoi .
Amerique fantasmé, ça pourrait d' ailleurs être assez commun comme trip . Mais c' est l' auto dérision, et ce côté legerement parodique qui rend ça bon (un peu comme Tarantino à sa manière) .
cf la scène qui suit plus bas, over mieleuse
ou encore nicolas cage qui defend sa meuf dans "sailor et lula"





Et surtout t' as des idées de mises en scènes que je trouve incroyables .
Je peux pas vraiment choisir les exemples vu que c' est limité sur youtube .

Mais une des choses que j' adore, dans la série, c' est ces passages où le jeu des acteurs est assez normal mais qu' on vient te bousculer le sens de la scène avec un plan chelou, une zik angoissante . Bref, un élément de mise en scène inappropriée à la scène .
Bon là dessus, rien de nouveau . C' est constamment utilisé . Dans le film d' horreur par exemple (signal sonore strident qui te dit "hep danger imminent")
Mais dans Twin Peaks, ce que je trouve bon, c' est que c' est pas seulement utilisé pour te faire peur, c' est là pour te troubler, pour te faire sentir mal à l' aise . Ou pour te transporter vers le bonheur . Et de façon moins systématique . Ca marche moins comme un procédés que t' utilise systématiquement pour tel ou tel truc . Enfin c' est pas l' idée du mécanisme qui est original, c' est la façon dont il est employé .

 J' ai pas trouvé vraiment de scène montrant ça sur youtube, pourtant y en a des tonnes dans la série .
Bon y a cette scène, mais ça a rien d' extraordinnaire dans son utilisation ici, c' est surtout l' association avec les dialogues de ouf qui rendent la scène géniale ^^








Le principe : Les sherif attrape l' agent Albert Rosenfield et le menace . Albert, qui on le sait, est detestable, répond à sa menace avec un ton de défis . Et alors qu' il parle de façon menaçante, le doux thème de twin peaks vient apporter un contraste (menace et apaisement en même temps) . Et on apprend via les dialogues qu' Albert est pacifiste, et qu' il aime le sherif .

D' ailleurs rien que le thème de Twin Peaks, est completement approprié à David Lynch et à la série . A la fois apaisant et troublant .
l' intro aussiavec la scierie et la chute d' eau . Au fond, ces 2 éléments ne sont pas si centraux dans l' histoire mais on a décidé d' en faire des symboles .Avec des plans sur l' usine comme ça, avec cette musique, ça a aussi quelque chose de troublant .




Une autre scène que j' adore :





Ici, l' idée, c' est que James et la soeur de Laura vont commencer à tomber l' amoureux l' un de l' autre et que l' autre meuf s' en rend compte et se fâche .
Y avait mille façons de tourner ça .

Une mauvaise façon aurait été de tout faire avec des dialogues mal foutus genre :
Donna :"eh on va au lac ?"
James : "ok mais tu viens pas avec nous Sarah ?"
Sarah :"non j ai pas mon maillot"
James : "ah merde, bon ben on y va pas"
Donna : "ah parceque si Sarah vient pas, tu veux pas venir ?"
James : "je ... euh . ah merde je suis trahi dans mes émotions"

Et y aurait eu aussi plein de façons de faire ça tres bien, avec quelques jeux d' acteurs .

Dans la scène de Twin Peaks, c' est plus du jeux de regard que du jeu d' acteur .Et ça dure super longtemps . Elle est a moitié poétique car, la musique est là . Tout en restant dans cet univers americain fantasme un peu ridicule mais agréable .
Ce genre de scène, c' est je pense, une façon de laisser reposer le spectateur, tout en faisant avancer l' intrigue .
Et le truc magique c' est qu' elle se permet donc d' être lente . On apprécie, on écoute, on observe les regards . Vu que c' est lent, on se permet de reflechir, de se poser des questions "putain elle est canon Donna", "putain comment il se la pete James", "à quoi elle réfléchit" .
Et puis au bout d' un moment, on sait qu' il va se passer quelquechose, on l' attend, parcequ' on reste rarement avec une scène trop longue comme ça, sans que rien ne se passe . Et on devine ce qui va se passer, en même temps qu' on nous le suggère en présentant de plus en plus de plan sur Sarah .
Puis finalement le regard de James qui  change de direction . On sait qui il regarde maintenant .
Puis on nous explicite la chose en nous montrant la réaction de Donna qui a compris la même chose que vous .


C' est cette façon de faire grossir ce sentiment qui est magique . Et qui nous mène d' une scène poétique toute douce à un côté un peu dramatique



Et puis j avais voulu analyser une scène de Daria, ma préferée .
Il s' agit de l' épisode du piercing, au début .




Donc une scène diablement efficace . Surtout par la manière dont elle utilise l' ironie dramatique en fait (le spectateur a des infos que les personnages n' ont pas)

Le spectateur voit tout, il sait que Jane passe dans la cuisine de Trent . Mais Daria, elle, l' ignore . Jane Ignore aussi ce que cache Trent (mais elle sait qu' il cache quelque chose) .
Puis quand la conversation est finie, Jane rappelle avec le telephone pour s' avoir de qui il s' agit . Lane apprend qu' il s' agit de Daria . mais Daria, elle ne sait pas qui c' est .

Bref, dans cette scène, on observe des persos qui ignorent et découvrent constamment de nouvelles choses . Et nous, on attend, on redoute, leur réactions, et c' est ça qui fait l' effet .
Au final, le bon combo : de l' ironie dramatique + de bonnes réactions des persos

Et tout ce jeu est facilité grâce à une situation déjà propice à l' ironie dramatique : le split screen avec une conversation au telephone .

Et il faut ajouter que si la tension de cette scène est géniale, c' est aussi parcequ' on a fait évoluer une certaine tension entre Daria et Trent durant les épisodes précédents .


C' est évident . Je sais . Mais je dis ça parce que je pense que parfois on veut rendre une scène particulièrement forte, on la travaille dans tous les sens, avant de comprendre que c' est pas tant la scène qu' il faut changer, mais tout ce qui amène à cette scène .



Je pense que l' ironie dramatique est importante parcequ' elle sert à nous questionner sur la nature humaine . Ce qui est la base de tous les récits (tous les récits humains sont centrés sur les humains)


Lorsqu' on observe une personne et que l' on sait une chose qu' elle ignore,c' est une ironie dramatique . Mais il y a pourtant un élément que le spectateur lui-même ignore . C' est "comment la personne va réagir lorsqu' elle sera au courant ?" .
Cette réaction, lorsqu' elle nous est révélée, nous en apprend plus sur le comportement humain ou sur comment le comportement humain devrait être (selon qu' on donne une morale ou seulement une vision de la vie).

vendredi 5 octobre 2012

Etude bd - Nyx de Quesada et Middleton

J' ai pioché des bd qui me semblaient interessantes à étudier au niveau du scénar .
Ca me semblait interessant étant donné que j' ai jamais vu de bouquin théorique qui se focalisait sur le scénario dans la bande dessinée .

J' ai évité toutes les bd dont le scénar tirait plus dans l' ambiance ou dans le scénar décousu (genre Alex Barbier, Like a Velvet Glove Cast In Iron, voire des trucs plus simples comme des Pacush Blues de Ptiluc) . Pas que ça soit inintéressant, au contraire, mais chaque chose en son temps .

Ca va me prendre un temps fou si je fais toute la liste (ce que je ne ferai probablement pas, autant être réaliste hein) :

La liste que j' ai pris :

- Silent War, marvel universe scénario de David hine, dessin de Frazer hirving (faudrait que je trouve le tome qui le precede >:o)
- Nyx, marvel, scénar de Joe Quesada, dessin de Joshua Middleton
- House Of M, marvel, scénar de Brian Michel Bendis, dessin de Olivier Copel
- 100 bullets 1, semic, scénar de Brian Azzarello, dessin d' Eduardo Risso
- Le journal de mon père, casterman, scénar et dessin de Jirô Taniguchi
- Hunter X Hunter 16 (à défaut d' avoir d' autres tomes :/) kana, Yoshihiro Togashi
- Kenshin 2 (hum ça date, mais je pense quand même que le scénar vaut quelquechose) glénat, Nobuhiro Watsuki
- Dragon Ball 3 (double tome) , glénat, Akira Toriyama
- 21st Century Boys, panini, Naoki Urasawa
- Alef Thau d' Arno (pour le côté mythe, symbole, truc)
- un cité obscure de Schuitten/peters,
- Long John Silver ou Prophet de dorison/Lauffray,
- Celle que... de Vanyda
- The Grocery de Singelin .
- Rivers Edge de Kyoko Okazaki
- Blue de Kiriko Nananan (çui-là je l' ai pas mais faut que je l achete)

Et puis, merde faudrait aussi des bd dont le scénario ne m' a pas plus accroché que ça . Histoire de voir ce qui va pas :

Alack Sinner de Munoz et Sampayo (je parle bien du scénario hein, pas du dessin, et je parle des premieres histoires)
Everyday de Kiriko Nananan
Naja de Morvan et Bengal
Le Codex Angélique

Bon je le dis direct, y a du SPOILER .
Si tu voue un culte à la surprise du premier visionnage, eh bien ne lis pas ce qui va suivre avant d' avoir lu les 2 Nyx . Sinon on s' en branle, après tout, on est là pour apprendre, et si Nyx joue sur un certain élément de surprise, c' est pas non plus entièrement basé dessus .


Nyx (comics)
scénario de Joe Quesada, dessins de Joshua Middleton





Bon je préviens, c' est un peu le bordel, cette analyse, sorry .


L' histoire en gros :
Ca parle d' une meuf irresponsable, énervée, qui fait tout à but égoiste sans vraiment prendre conscience des conséquences possibles, et sans se soucier du mal qu' elle peut faire aux gens .
Une connerie de trop (sa prof prend une balle perdue), et la révelation de son super pouvoir, va lui donner l' envie de faire une pause . Petit à petit, elle va apprendre à penser aux autres, à aider, et ainsi à se faire pardonner .
Comme fil directeur, on a ce fantôme du père qui semble mener Kiden dans une direction voulue, jusqu' à ce qu' elle rencontre l' assassin de son père, devenu caïd .


Je me permet de mettre les 2 scènes d' intro ici, à lire avant l' analyse .
C' est pas tres légal mais au fond je fais de la pub pour ce comics que j' adore, donc je crois pas que j' ai à me sentir particulièrement coupable hein .















L' intro renvoi à un des élément principaux de l' histoire :
- le père, qui n' est pas un personnage réel en soit, mais qui fait office de thème récurrent et de ligne directrice . On sait qu' à la toute fin, on aura résolu un truc par rapport au père .
- Le jeune voyou qui tire renvoit aussi à la fin de l' histoire . A la fin, on se rend compte en même temps que Kiden, que le méchant mafieux n' est autre que ce jeune voyou qui a tué son père quand elle était jeune .
Les intros commencent souvent ainsi, en suggérant les éléments qui seront résolus à la fin . Comme si l' on pouvait ne mater que l' intro et la fin pour avoir un résumé du film . C' est pas une obligation évidemment, mais je pense que ça renforce la révélation finale . C' est vraiment insister sur la relation de cause à effet . Sur le chemin, la résolution .

Dans le même genre, le début de Match Point, explique clairement, en voix off, ce qui sera le thème et l' élément ironique qui expliquera la fin (« la moindre connerie peut tout faire basculer ») .
Et en même temps, rien qu' avec ce plan fixe à la con et la tonalité de la voie, ça installe déjà une atmosphère (un peu mélancolique, un peu sans vie) .

(bon dans la vidéo, apres l' intro t' as la scène de cul, ça c' est hors sujet)



Parceque les intros, dans les films, c' est souvent une façon de dire "voilà de quoi ça va parler" ou "voilà l' ambiance du film" .
Parcequ' au fond, l' intro d' Apocalypse Now avec l' helicopter, qui est sensé être une des meilleurs, c' est plus de l' ambiance que de la narration .





On revient à Nyx .
On a donc cette intro flashback, puis on a un fondu avec la scène suivante .
Le raccord de scène construit un lien : Kiden, ado, est dans les chiottes, elle se rapelle de l' assassinat de son père, puis elle va gober un taz . C' est un peu du raccourci facile, mais tout le monde comprend qu' elle a mal vécu cet evenement de son enfance et que la drogue en est une consequence, c' est en quelque sorte une aide (je gobe pour oublier) .
Là où c' est bien foutu, c' est que l' auteur a amené ça tout en image et de façon un peu subtile quoi, il a pas placé une scène où Kidden et sa pote voient une fille heureuse avec son papa dans la rue, et la pote de Kidden qui dit "alors ça fait mal que ton papa se soit fait flinguer ?"


Puis on découvre la famille de Kiden .
Je trouve que cette scène est super efficace dans la façon dont elle apporte énormément d' infos, de façon dramatiséé, et de façon super condensée .


(si tu ne sais pas ce que j' entend par « de façon dramatisée », lis ce qui suit :)

extraits de Mc Kee dans Story :
« Une exposition dramatisée remplit 2 rôles : son but premier est de promouvoir le conflit immédiat . Son but secondaire est de faire passer de l' information . L' auteur débutant, parcequ' il cherche à bien faire procède de façon inverse . Il remplit son devoir expositionnel avant d' accomplir ce qui est nécessaire d' un point de vue dramatique . »


Nyx est un bon exemple d' exposition dramatisée . Mais avant de poursuivre sur ce comics, je vais prendre un mauvais exemple d' exposition dramatisée .

Je citerai pas le nom de la bd parcequ' autant j' ai pas de problème à décortiquer une bd que j' aime bien, autant je m' en veux un peu de dire du mal d' une bd .
Parceque je mesure à quel point c' est difficile de pondre une bd correcte . C' est pas parceque je critique que je suis capable d' arriver au même niveau .

Voilà les 2 pages :






Ce que je reproche à ce passage, d' un point de vue scénaristique, c'est son manque de subtilité . Autant les dialogues que les détails historiques sont gratos et mal amenés .
On sent qu' ils veulent nous donner des informations d' intrigue, de la caractérisation, et des leçons d' histoire .

Déjà, ciblons la direction de la scène (bien garder ça dans un coin de sa tête) : le prêtre veut une chose de Thomas : il doit demander à son oncle de liberer le corps de sa mère .

Au début, le prêtre parle à Thomas de sa mère morte .
Déjà, il me semble que lorsqu' on parle du parent defunt d' une personne, on y va avec des pincettes .
Ce qui n' est pas le cas ici .
Là, on pourrait penser que le scénariste caractérise le prêtre : c' est un type sans gêne . Mais l' on comprend en lisant l' étalage d' informations scénaristiques, qu' il s' agit tout simplement d' une maladresse .

Le plus dur, c' est quand on arrive à ce dialogue :
"Subséquemment, votre maman fut foudroyée d' un arrêt cardiaque. De la providence ou du diable qui en était l' auteur ? Personne ne le saura jamais ! Toujours est-il que la situation étant désesperée ..."

Le ton du professeur qui raconte un épisode historique, c' est completement inapproprié .
Thomas est parfaitement au courant de tout ce que lui dit le prêtre . Et le prêtre le sait bien lui aussi .
Mais c' est pas ça le problème . Le prêtre peut vouloir amener cette discussion, tout en sachant que Thomas sait déjà tout ça, pour la direction de la scène .
Mais on ne le sent pas . On ne sent pas qu' il amène ce sujet pour en venir à le convaincre  . On sent juste qu' il donne un cours d' histoire .

C' est ce dont parle McKee plus haut :
L' auteur débutant [...] remplit son devoir expositionnel avant d' accomplir ce qui est nécessaire d' un point de vue dramatique . »

Ce qui est nécessaire d' un point de vue dramatique :
Le prêtre veut convaincre Thomas .

le devoir expositionnel :
- donner des infos sur le background historique, l' univers, tout ça
- caracteriser viteuf les persos : le prêtre est un manipulateur . thomas baisse les bras
- expliquer l' histoire de la reum : crise cardiaque, l' oncle a voulu la conserver et joue avec la vie .

Le devoir expositionnel doit suivre la direction dramatique .

Si je devais essayer d' améliorer la scène, j' essaierai de faire en sorte que les informations données servent à convaincre Thomas . Et puis aussi je les donnerai pas aussi cash . Je laisserai deviner certaines infos par le lecteur, parceque je sais qu' il aime ça .

exemple :
Le prêtre vient parler à Thomas, il le felicite sur sa foi .
Il en vient à parler de sa mère, une femme exemplaire . Une petite phrase-tacle genre "quel dommage que son âme ne puisse trouver le repos" (en un peu plus subtile quand même, parceque là c est vraiment une remarque d' enculé) .
Thomas répond répond que son oncle ne renonce jamais à quoique ce soit concernant ses experiences .
Le prêtre souligne une contradiction : comment ça se fait que Thomas soit si bon chrétien et accepte tout de même que son oncle joue le rôle de dieu : decider de qui doit vivre ou mourir .
On s' attend à ce que Thomas réagisse enfin . Mais non, il baisse les bras et se deresponsabilise : il ne peut rien faire contre l' obstination de son oncle .
Le prêtre est déçu, mais il explique que de toute façon, l' évêque à approuvé l' action en justice contre son oncle . Thomas doit convaincre son oncle où la justice s' occupera de son cas .


Voilà, c' est une petite solution que j' apporte, sans y avoir travaillé des heures non plus hein .
Mais je pense que dans ma solution, chaque information est délivrée dans le but de convaincre l' autre .
Et ça, ça passe beaucoup mieux .
Aussi, j' en rajoute pas des caisses, je dis juste que "l' âme de sa mère ne trouve pas le repos" (et pas "votre maman fut foudroyée d' un arrêt cardiaque"), je parle d' "expériences", de "décider qui doit vivre ou mourir" et d' "action en justice" .
Le lecteur ne sait pas de quoi la mère est morte, mais c' est pas l'important , et il ne sait pas de quelles experiences il s' agit . Mais il peut le deviner, et ça, ça lui fait plaisir . De toute façon il le saura tôt ou tard . Je pense qu' il faut aussi savoir se retenir et ne pas tout devoiler trop tôt .



Maintenant, si je compare ça à la scène de Nyx qui présente Kiden et sa famille .
Déjà on voit une direction dramatique et l' info suit derrière .
On a peu de texte et pour autant on en apprend beaucoup sur les personnages .


Chaque case apporte son lot de caracterisation et d' info .







On note qu' il n' y a pas de questions gratuites de la part des persos :

Par exemple, pour montrer que Ty, le frère de Kiden est un dealer, Joe Quesada ne lui a pas fait simplement dire « eh c' était de la bonne hier ? »
Sa question n' est pas gratuite, car derrière cette question se cache le désire d' entrer un peu en contact avec l' amie de Kiden .


On apprend ainsi en 4 pages, dans une lecture tres fluide, que :

- La mère de Kiden fait des efforts pour être autoritaire
- Kiden est pas serieuse à l' école .
- Elle ment à sa mère
- Elle est insolente avec sa mère .
- Ses deux petits frères sont invivables et bougent partout
- Son frère est un dealer , il est amoureux de la pote à Kiden
- Kiden profite de lui et est pas tres reglo
- La mère de Kiden a des remords et aimerait discuter avec ses gosses
- Kiden joue avec les sentiments de sa mère pour avoir ce qu' elle veut

Donc par là on comprend aussi que tout ça est lié au père absent . La mère est débordée, les gosses font ce qu' ils veulent .
(encore une fois 1+1=2 , on a pas montré au lecteur que la mère n' a pas eu le temps d' être là pour ces gosses parcequ' elle a des trucs à faire et que papa n' est plus là, mais on peut le deviner)

A la limite on aurait pu se passer de la scène suivante, qui ne fait que donner de l' info qu' on connaît , elle manipule, elle vole . On a juste une info qu' on pouvait ne pas deviner . C' est que le quartier est devenu bien pourri (mais on le saura tres rapidement avec les scènes qui suivent)

Pour la suite on va lister les actions déterminantes :

1- Kiden réagit aux provocations d' Hector le latino, ce qui entraine une petite confrontation qu' elle remporte . Incident déclencheur : la cause est exterieur mais elle vient surtout de la haine et de l' irresponsabilité de Kidden (c' est important de donner un caractère à l' incident déclencheur, tout ne vient pas par hasard, tous les problèmes qui vont suivre vient de cet accident qui aurait pu être évité si seulement Kidden avait été calme et responsable) .

2- La pote à Kiden flippe, Kiden s' en fout, puis compatissante, la soutient .
2- Hector et ses hermanas s' en prennent à Kiden et sa pote . Kiden se débat plein de rage, mais elle est surtout inquietée par sa pote, qui elle, est morte de peur .
4- Sous l' émotion, le sort s' enclenche, et Kiden découvre son fonctionnement en petant le bras d' Hector sans le vouloir .

Les 2 scènes suivantes en pages alternées  :
5- Au réveil, la mère de Kiden découvre et jette de la coke aux chiottes . Les gamins font du grabuges . Kiden pète un plomb . Elle aimerait defois que les choses soient plus « normales » .
6- La prof a un mec . Il pense qu' elle devrait moins s' investir à l' école mais elle n' est pas d' accord . Malgré tout ils s' aiment .

Je pense que la scène 5, du réveil de Kiden, est assez interssante parcequ' on a montré jusque là que cette meuf est plutôt horrible et on nous montre maintenant un côté plus attachant . Kiden est désemparée, elle aspire à une vie plus calme . On nous place cette scène, pile apres que Kiden ait fait une grosse connerie et un peu avant qu' on en voit les terribles conséquences .

Je trouve ça pas mal parcequ' au début on peut la detester, puis la comprendre, et enfin regretter avec elle quand on voit les conséquences arriver .


Le réveil de la prof à la même fonction .
Elle donne de l' importance à ce qui suivra : elle sera blessé puis son mec la quittera . La légère dispute permet d' expliquer le futur départ du mec tandisque leur amour réconcilliant et passionnel permet d' de renforcer la douleur de cette futur séparation (par contraste) .


7- Hector fait rentrer une arme à l' école
8- Kiden se comporte de façon odieuse lors de son entretien avec le directeur . La prof esssaie de concilier les 2 mais à la fin on comprend qu' elle n' aime pas le dirlo (donc dans un sens, plus proche de kiden)
9- Hector tire sur Kiden dans le couloir . Le sort se réactive, le temps est bloqué . elle ne comprend toujours pas le fonctionnement mais cette fois, ça retombe sur la prof qui prend la balle perdue .
10- 6 mois plus tard, le dirlo vient voir la prof qui déprime dans le noir. Il s' inquiete car elle ne vient plus à l' école . Elle ne reviendra pas, et rassure le dirlo : ce n' est pas de sa faute *.
Elle demande des infos de Kiden : pas de nouvelle depuis sa fugue . La prof pete un plomb lorsque le dirlo fait tomber le cadre d' une photo de couple dont la moitié est déchirée . (Encore une fois, c' est une façon astucieuse de ne pas montrer par les mots)


* C' est pas un point important mais ça m' a quand même tué dans un sens : je me suis dit « attend pourquoi ça serait la faute du dirlo si la prof s' est prise une balle » . Et cherchant en arrière, c' est vrai que c' est de sa faute .
Si il ne s' était pas disputé avec la prof en lui répondant qu' à sa place il irait rejoindre Kiden vite fait (sous-entendu "casse-toi de mon bureau") , alors elle n' aurait pas pris la balle perdue .
C' est rempli de liens de causes à effets
Si la prof déprime ça devient la faute de :
-Kiden qui est à l' origine de l' accident
-Du dirlo, à cause de qui elle s' est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment
- De son copain, qui l' a quitté suite à l' accident
-De Hector, qui a tiré la balle
-D' elle même, qui a voulu rejoindre Kiden car elle était trop impliquée dans l' éducation des enfants .

De toute façon, cette prof, c' est ZE martyr . On lui a caracterisé aucun défaut jusque là, si ce n' est le défaut de sa qualité . Elle est patiente, sympa, aimante avec son copain ... et bim, une balle perdue .

Pour l' instant, on peut retenir que :
- Tout est réduit au nécessaire, les scènes donnent beaucoup d' informations, de caractérisations, et de changement en peu de temps .
- Les scènes sont bien placées dans l' ordre, de façon à jouer sur les conséquences mais aussi sur les contrastes de valeurs .
- Tous les personnages sont liés dans leurs actions, dont quelques actions qui peuvent paraître parfois sans importances .